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Montage Hichem Ben Khélifa
« Le jour du lavage des couvertures (ghaslan el farch ) commençait dès cinq heures du matin avec l’arrivée des voisines dans un chuchotement joyeux… Ces dernières dans des gestes involontairement séduisants jetaient leurs chaussons en plastique dans la cour, relevaient les nœuds de leurs foulards au-dessus de la tête, se retroussaient les manches. Pendant que les unes disposaient de grandes jattes dans la cour, les autres faisaient valser le seau du puits pour les remplir d’eau. La vue d’un tel spectacle rythmé par les chants des femmes et les éclaboussements d’eau constituait une invitation ouverte à la ribambelle d’enfants dont je faisais partie à des jeux bannis habituellement.
Dès que les couvertures fussent trempées dans de l’eau savonneuse, les yeux brillants de bonheur, je me mettais à imiter les grandes personnes qui, les pieds en plein dans une jatte, tenaient des deux mains les ourlets de leurs robes pour éviter qu’elles ne se mouillent tandis que les pieds piétinaient vigoureusement la laine dure. Evidemment, à cinq ans, je me souciais peu des objectifs de ce festival, et je cherchais absolument une manière de me tremper totalement et en toute légalité pour échapper à la colère de ma mère. Alors commençaient les sauts périlleux dans la jatte, le relâchement de ma robe dans l’espoir que l’eau se propage dans tout le tissu et pour arriver à la tête, je feignais une chute au beau milieu de la cuve. Ma mère s’apercevant du manège, et avec un ton menaçant me chassait, ainsi que les autres mômes de la scène qui continuait sur une cadence bien organisée… Le rinçage à l’eau claire marquait le début de la fin de ce lavage annuel suivi d’un étalage des substrats au milieu des arbres fruitiers du champ de grand-père, à même le sable rougeâtre pour un séchage naturel… » Souvenirs de Neila Mhiri