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Gare à toi ! – Houda Ghorbel

Houda Ghorbel // Hichem Ben Khèlifa

Installation Interactive

« La porte s’ouvre et tout bascule. De la lumière illusoire, tu te retrouves propulsé dans un cube vide et noir éclairé par une lampe unique dont la lumière trace un parfait cercle sur un sol froid.

Tu avances naturellement vers la lumière tel un fœtus incubé depuis neuf mois dans les entrailles de sa mère aspirant à sortir de l’obscurité pour prendre son envol vers un monde plus éclairé.

Tes pas sont sûrs et tu avances vers le commencement de la vie. La sortie du tunnel est éprouvante mais l’apprivoisement de la lumière est rapide. Sa chaleur agréable et douce, son attraction magique est incontestables, sa brillance t’attire comme un papillon de nuit.

Tu t’exposes à la lumière et tu vois ton visage sur un écran en face de toi. Tu te regardes, tu t’admires ou tu te dévalorises, tu t’amuses et ça attise ta curiosité naturelle. Tu prends conscience de ton corps, de ton indépendance et de ton unicité tel un enfant en bas âge qui se découvre et qui s’extasie sur le moindre détail et l’infime exploit.

A présent, tu te tiens debout dans ton petit cercle, ton chemin de vie commence comme un fleuve dont l’écoulement reste secret. La lumière est rassurante et ses particules te transportent auprès des dieux, mais le cercle se rétrécit. Les minutes passent, et la lumière devient acquise, ennuyeuse et habituelle. Ta nature d’humain intelligent et avide de savoir est indéniable, et une petite voix s’active à ronger ta passivité et t’incite à explorer l’inconnu, à sortir du cercle tracé, des chemins tout faits, des sentiers battus.

Le noir devient ton objectif. Explorer l’inexplorable, chercher l’introuvable, oser se démarquer, sentir l’adrénaline, exister tout simplement en dehors de ce que l’on a décidé pour toi.

Et puis tu bouges, ton visage se divise et une balle transperce ton corps en guise d’avertissement. Ton image auprès de la société se déforme et ton châtiment est violent d’avoir osé défier la suprématie des traditions sacrées et gratter avec tes ongles les racines millénaires des préjugées.

Mais tu es courageux, tu bouges encore et encore et la bouche de l’enfer s’ouvre. Ton visage n’est qu’un immense bec de drosophile inutile et méconnaissable et ton corps gît entre l’ombre et la lumière.

La peur te prend par la gorge, tu te réveilles de ce cauchemar sur le son insupportable de l’ambulance qui accoure pour t’enterrer. Et dans ce boucan entouré de désolation, tu te demandes encore si le cercle te convient ou le noir t’allait mieux. »

Texte écrit par Neila Mhiri